« Qu'importe ce que je fais ! Demandez-moi ce que je pense. », écrivait Jules Renard dans son Journal du 12 avril 1890. Et c’est ce même Jules Renard qui écrivait quelques années plus tard : « Penser ne suffit pas : il faut penser à quelque chose. » Alain de Benoist serait sans doute d’accord avec la première : le moment de la pensée est l’instant suprême dans la mise en mouvement d’un corps, la renaissance de l’agir humain. Mais il ne serait certainement pas d’accord quant à dire que penser ne suffit pas. « Penser tout court est un travail. C’est le travail de la pensée : penser la nature de l’homme, penser les lois de l’univers, penser l’essence du politique, le sens de la technique, le sens du moment historique, le sens de notre présence au monde ». Voilà ce que penser veut dire.

Il convient également de s’arrêter sur le chapitre dédié à Jean-Claude Michéa. L’auteur de Notre ennemi, le capital conquit progressivement les intellectuels français, à commencer par Alain de Benoist qui voit dans Le complexe d’Orphée une réponse originale à la crise politique que connaît la gauche aujourd’hui : « la gauche s’est coupée du peuple parce qu’elle a très tôt adhéré à l’idéologie du progrès, qui contredit à angle droit toutes les valeurs populaires. » Et l’auteur résume ainsi, et de la manière la plus efficace, la thèse principale de Michéa : « Il est en effet tout aussi illusoire de croire qu’on peut être durablement libéral sur le plan politique ou « sociétal » sans finir par le devenir aussi sur le plan économique (comme le croient la majorité des gens de gauche) ou qu’on peut être durablement libéral sur le plan économique sans finir par le devenir aussi sur le plan politique ou « sociétal » (comme le croient la majorité des gens de droite). En d’autres termes, il y a une unité profonde du libéralisme. Le libéralisme forme un tout. » Finalement, une fois parvenu à la fin du livre de Benoist, on comprend que penser, ce n’est pas lire et comprendre tous les auteurs. La pensée ne repose pas sur une somme de connaissances, mais bien plus sur une disposition de l’esprit, une capacité à se défaire d’une conviction profonde pour se nourrir d’un auteur.
Alain de Benoist, Ce que penser veut dire, 384p., 19,90€, Editions du Rocher.
Lire & Penser : la chronique mensuelle qui présente et critique un ouvrage récemment paru.
Il faut penser pour vivre et non pas vivre pour dépenser.
"Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite" Charles Péguy
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