La stagnation séculaire : voilà une idée en vogue en ce moment dans le débat économique. C’est l’économiste américain Alvin Hansen qui utilise pour la première fois la notion de stagnation séculaire pour désigner une situation où la fin de la croissance démographique et du progrès technique conduit à une période d'activité économique anémique. L’idée est récemment réapparue sous la plume de Lawrence Summers et de Robert Gordon pour des raisons conjoncturelles évidentes : la croissance actuelle est bien loin de celle que nos économies ont connue dans les années 1940-1970, années des « trente glorieuses » - célèbre expression de Fourastié. Supercroissance est un brillant exposé sur le sujet. Dans son analyse de la croissance moderne, l’essayiste Faÿçal Hafied convoque des classiques de la science économique avec beaucoup d’aisance : du « paradoxe de Solow » à la théorie de la régulation, en passant par l’entrepreneuriat, les propriétés du marché du travail et la dégressivité de l’impôt. À l’aide de l’auteur, éclairons un peu le débat avant de juger de chaque position.

On vient de définir la croissance comme une augmentation de la production qui résulte d’un effort d’inspiration ou de transpiration - pour reprendre les termes de Krugman -, et bien souvent des deux. Devant une telle mécanique, il semble que la croissance ne connaisse pas de limites, tant qu’on allie efficacement travail, capital et technologie. L’histoire nous montre que ce n’est pas le cas. « La crise financière de 2008 a plongé l’économie mondiale dans une période de doute dont nous ne sommes toujours pas sortis et qui a ravivé le spectre de la stagnation séculaire. » écrit Hafied. L’auteur s’interroge alors : qu’est-ce qui pousse à croire que nous approchons de la fin de la croissance ? La stagnation séculaire serait due à l’appauvrissement du capital humain pour Gordon, la formation d’un véritable « plateau technologique » pour les adeptes du paradoxe de Solow - « Les ordinateurs sont partout sauf dans les chiffres de la productivité » - qui sous-entend la baisse de l’efficacité marginale de la recherche et la décélération de la vitesse du changement technologique. Selon l’auteur, c’est exactement l’inverse qui se produit : « La thèse soutenue dans ce livre prend le contre-pied de l’hypothèse de la stagnation séculaire. Le facteur technologique est loin de connaître un essoufflement. Derrière le spectre du plateau technologique, l’état de l’innovation cache au contraire un véritable foisonnement. » Hafied refuse d’adhérer à l’idéologie défaitiste qui annonce la fin de la croissance comme si elle annonçait la fin du monde. Il répète dans un premier temps que « la stagnation séculaire est la mesure de notre ignorance » et la « nouvelle frontière de notre aversion pour le risque. » Après avoir montré les apports de la sérendipité - « naissance de nouvelles inventions grâce au hasard et à la contingence. » - il critique les vents contraires institutionnels et intellectuels de la croissance, telle que la surabondance des réglementations. L’auteur propose alors un nouveau modèle de croissance : celui de la supercroissance, non sans préciser les risques sociaux d’un tel mécanisme. Nous sommes à la veille d’une période de croissance sans précédents, celle de la supercroissance. Tout est une question de temps.
Faÿçal Hafied, Supercroissance : La stagnation séculaire n’aura pas lieu, 252 p., 18,00€, FYP Editions.
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